EDF vient d’augmenter ses tarifs de vente de l’électricité de 5,9 %, et cela paraît énorme et insupportable pour beaucoup !
Petit rappel historique : en 1974, le gouvernement Messmer sous la présidence de Pompidou engage la France dans l’aventure nucléaire : plus de 100 milliards sont empruntés et garantis par l’Etat pour financer la construction de 58 réacteurs, et ce pour le plus grand bénéfice des entreprises de BTP, turbines et métallurgie Bouygues, Vinci, Alsthom, Creusot-Loire (repris par Bolloré)… qui construisent ces réacteurs. L’année 2000 marque un tournant avec la loi française du 10 février relative à la modernisation et au développement du service public de l’électricité qui met EDF en situation de concurrence pour la production d’électricité et sa fourniture aux plus gros clients et, ce n’est qu’en 2002 que le Conseil Européen l’étend aux particuliers. La directive sera transposée en droit français en 2004 avec la transformation d’EDF en société anonyme et avec l’instauration de tarifs réglementés. En 2010, la loi Nome impose à EDF de revendre jusqu’à environ 25% de sa production nucléaire (100TWh) aux opérateurs alternatifs à un prix plancher de 42 €/MWh. Pour EDF, qui claironnait un prix imbattable de production de l’électricité nucléaire, cela pouvait sembler une bonne opération.
C’était sans compter sur la catastrophe de Fukushima en 2011, sur un développement rapide au niveau européen de sources d’énergie renouvelables de plus en plus compétitives, sur le coût de la prolongation de la durée de vie des réacteurs et celui de la construction catastrophique de l’EPR, sur celui du rachat imposé par l’Etat d’une partie des activités d’AREVA lors de sa faillite (construction de réacteurs), ni sur l ’exigence d’intégration des coûts du démantèlement des centrales, de la gestion des déchets nucléaires… En ajoutant à cela des erreurs d’investissements en Argentine, en Angleterre, la situation financière d’EDF est devenue intenable !
Bilan financier d’EDF (capitalisation boursière de 18 milliards d’Euros): Dette : 37,4 Milliards (et plus du double si on y ajoute les emprunts obligataires) EPR de Flamanville : 11 Milliards Double EPR britannique (Hinkley Point) : 16 Milliards Rachat d’AREVA NP : 2.5 Milliards Prolongation des réacteurs : 56 Milliards Démantèlement : 40 Milliards Gestion des déchets nucléaires (Cigéo) : 43,6 Milliards Soit une dette prévisionnelle de 195 Milliards d’Euros !!! (Chiffres Cour des Comptes) |
Pour faire face à cette dette, le prix de vente de gros de l’électricité EDF devrait se monter à au moins 62 €/MWh (Cour des comptes), voire 90 €/MWh (Greenpeace) quand le prix moyen sur le marché européen oscille entre 30 et 50 €/MWh selon les saisons, et ce prix est tiré vers le bas par des producteurs d’électricité d’origine éolienne ou renouvelable (Espagne, Portugal, Allemagne…) !
Si la loi Nome impose un tarif de revente à EDF, elle n’oblige pas les opérateurs alternatifs à se fournir chez EDF. EDF est ainsi contraint par un tarif de gros de 42€/MWh lors des pointes du marché, et est obligé de s’aligner sur ce même marché lorsque les prix sont inférieurs.
Même en se libérant du tarif de 42€/MWh, EDF ne peut plus faire face à ses engagements et devrait être mis en faillite !!!
La faillite d’AREVA a déjà coûté 5 Milliards aux contribuables et 2,5 Milliards à EDF, jusqu’où continueront la gabegie nucléaire, les Grands Projets inutiles ?
Pour le gouvernement, une seule solution pour éviter la faillite d’EDF et soutenir la filière nucléaire :
- Augmenter le tarif des 25 millions d’abonnés français qui ont continué de faire confiance à EDF ;
- Casser EDF en séparant la branche pourrie (le nucléaire) des activités rentables (les renouvelables, le transport et la distribution), et les revendre… à des chinois… ;
- Faire appel aux contribuables pour financer la faillite du nucléaire !
Inacceptable ! Ce sont d’abord aux Bouygues, Vinci, Eiffage, Bolloré… qui ont fait fortune sur le nucléaire de payer la dette d’EDF !
Faut-il quitter EDF ?
A chacune et chacun de se déterminer ! Ce qui est certain, c’est que l’énergie est un bien commun, comme l’eau, l’air… qui doit être partagé équitablement et utilisé sobrement.
Si la production d’électricité peut être une activité économique soumise au marché, l’achat en gros, le transport, la distribution de l’électricité doivent être réalisés par un service public de l’énergie. Ce service public est une nécessité pour faire face au dérèglement climatique : les énergies renouvelables sont par définition intermittentes et difficilement stockables, l’électricité doit pouvoir circuler librement d’un endroit qui produit à un endroit en demande sans péages ! L’Europe a libéralisé le transport et la distribution de l’énergie. C’est une grave erreur. Il est urgent d’abroger la directive européenne de 2003 pour une loi européenne qui impose et organise un service public de l’énergie à l’échelle européenne. L’énergie n’a pas de frontières !
Alain Rivat – 14/06/2019