LETTRE OUVERTE à EELV PLOËRMEL (avec texte de Didier Anger)
La Bretagne est historiquement antinucléaire*.
Est-elle en train de changer ? L’invitation de Jean-Marc Jancovici à une conférence sur la transition énergétique le 21 octobre 2013 par le groupe EELV de Ploërmel est, nous pouvons le craindre, révélatrice à ce sujet.
Dans « EELV » il y a le mot « écologie ». Or, « le fait d’habiter (éco) raisonnablement (logos) le Monde » interdit de fait le recours à des technologies qui ne sont pas à la mesure de l’Homme, et qui commencent déjà à dégrader sérieusement son monde. Nous n’étions donc pas venu-e-s à la conférence de Jean-Marc Jancovici pour débattre du nucléaire, mais pour dénoncer la tenue d’un discours qui fait système et dans lequel le nucléaire trouve naturellement sa place.
Le public était face à un discours caméléon : Jancovici sait s’adapter à son auditoire, et va jusqu’à affirmer qu’il n’est pas forcément pour le nucléaire, mais que dans la situation actuelle, il représente une solution dont on ne peut se passer.
Jancovici a joué à l’autruche : le scénario négawatt, et le scénario énergétique japonais n’ont pas été évoqués. Il n’y a pas eu de débat, de contradiction réelle.
Jancovici devrait connaître ces scénarios mais ils sont si clairs dans leurs conclusions sur l’intérêt de la sortie du nucléaire qu’il valait sans doute mieux ne pas en parler. Ne peut-on pas parler dans ce cas de mensonge par omission, de manipulation, ou au moins de partialité (il n’est donc pas « indépendant ») ?
Et quand il s’agit du nucléaire, aucune allusion bien sûr aux travaux de nombreux chercheurs indépendants démontrant le caractère inhumain, criminel, manipulateur du nucléaire : la catastrophe de Tchernobyl, par exemple, n’a pas fait qu’une cinquantaine de morts mais plusieurs centaines de milliers, et elle est toujours en cours.
Qu’un membre d’EELV (il s’agit de la personne, membre d’EELV de Ploërmel, à l’initiative de la soirée, et qui est un ancien travailleur du nucléaire) parle de militants antinucléaires en les traitant d’ayatollahs est révélateur d’une crise identitaire. Ayatollah signifie, au sens figuré (Le Petit Robert), représentant conservateur (d’une tendance). D’après les catégories établies par Didier Anger dans son texte « Mais où vont les écologistes », le groupe EELV de Ploërmel semble donc assumer pleinement sa nouvelle identité de « Verts modernes qui finiront par reconnaître que le nucléaire fait partie des solutions » (paroles rapportées de Lauvergeon).
Jancovici rêve d’être un colibri et souhaite convertir le plus de monde possible. Mais dans la parabole, le colibri n’éteint pas le feu en inondant la maison ou la forêt. Il faudrait que tous les membres d’EELV soient des colibris, mais combattant le nucléaire (avec tout ce qu’il représente en plus des risques de catastrophes et le problème des déchets) et non luttant seulement face à l’urgence climatique. Nous ne pouvons accepter que l’on oppose les combats antinucléaires et « anti-réchauffement climatique ».
Il existe de nombreuses personnes compétentes pour animer une conférence dans laquelle ces deux domaines ne seront pas opposés, ce qui permettrait de poser les bases saines d’une réflexion sur la transition énergétique. Cela permettrait sans doute aussi de dissiper les doutes sur la question de l’identité du groupe d’EELV de Ploërmel.
Rappel : nous avons TOUS, et notamment les POLITIQUES, une responsabilité morale vis-à-vis des générations passées, actuelles et futures dans le choix du développement, de la continuation ou de l’arrêt immédiat du nucléaire. Cette dernière solution est la seule véritablement à même de garantir le respect des choix sociétaux futurs dans un contexte écologique et démocratique sains.
Le Comité d’Animation de Stop nucléaire 56 / Trawalc’h
*Le logo de Stop nucléaire 56 / Trawalc’h évoque d’ailleurs la lutte victorieuse de la population d’Erdeven et de ses environs contre le projet de centrale à Erdeven en 1975 : une main verte a été dressée sur les dunes, tournée vers l’océan. Main de la victoire des Anciens qui ont fait échouer ce projet inhumain, main solidaire des générations actuelles et futures solidaires des populations souffrant du nucléaire au-delà des mers, des frontières (Japon…). Elle est le symbole d’une lutte dont le message est : « Jamais, ni ici, ni ailleurs ».
Vannes, le 31 décembre 2013